Tesla : l’autonomie sans filet

Le spécialiste américain de la voiture électrique a lancé en grande pompe son « Full Self Driving » (FSD). Comme attendu, et malgré ce qui était promis, ce n’est pas un système de conduite autonome. Plus gênant : il est bâti sur des fondations fragiles…

Depuis la fin 2015 et le lancement du système d’aide à la conduite Autopilot, Tesla est perçu par le grand public comme un pionnier de la voiture autonome. Une perception encore renforcée lorsque Elon Musk a annoncé que les voitures de la marque pourraient bientôt disposer d’une fonctionnalité baptisée « Full Self Driving » (soit « conduite entièrement autonome »). Tesla aurait-il des années d’avance sur la concurrence ?

Le verdict est tombé le 22 octobre 2020, date à laquelle ce fameux « Full Self Driving » a été activé (par mise à jour logicielle, comme d’habitude) auprès d’une poignée de « bêta testeurs ». Et le message affiché sur l’écran de la voiture est très clair : « Le Full Self Driving doit être utilisé avec davantage de précaution. Il peut faire la mauvaise chose au pire moment, vous devez donc garder vos mains sur le volant et être particulièrement attentif à la route. » Oubliez vos rêves de siestes à bord d’une Tesla entièrement autonome : ce « FSD » n’est qu’une aide à la conduite de niveau « 2 plus ». Il reste encore du chemin à parcourir avant d’atteindre les niveaux 4 ou 5, c’est à dire la vraie autonomie. En attendant, ce « bêta test » réalisé à la hussarde, avec des conducteurs non spécifiquement formés et sur des routes ouvertes à la circulation a donné lieu à un florilège de vidéos plus ou moins effrayantes, où les consignes de sécurité sont plus ou moins bien respectées et où le FSD se comporte plus ou moins bien.

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Bien sûr, le système va s’améliorer au fil des mises à jour. Reste que le problème du FSD n’est pas que logiciel : il est également lié aux capteurs qu’utilise Tesla. Le constructeur se base en effet exclusivement sur des caméras, des capteurs ultrasoniques et un radar frontal. Elon Musk refuse par exemple d’intégrer des radars laser (Lidar), qui permettraient d’ajouter une couche de redondance en complétant les caméras. En l’état, celles-ci sont sujettes à l’éblouissement par le soleil, ou voient leur vision dégradée par la pluie, le brouillard ou la neige. Pire : elles deviennent inopérantes lorsqu’elles sont recouvertes par la boue ou l’humidité. Quant au radar frontal, il n’est pas dégivré, si bien que la glace ou la neige peuvent l’obstruer. En l’état, on voit mal comment Tesla pourrait tenir sa promesse d’un véritable « Full Self Driving ».

Mais le constructeur est habitué de ce genre d’innovation mise en production un peu trop rapidement. Le précédent de l’Autopilot est d’ailleurs assez parlant sur ce plan, avec des fonctionnalités perfectionnées mais un comportement parfois erratique et un conducteur trop souvent maintenu en dehors de la boucle. Une tendance confirmée par deux études concomitantes, l’une réalisée en Europe par l’Euro NCAP, l’autre aux États-Unis par l’association Consumer Reports. Dans les deux cas, l’Autopilot ne décroche pas la première place. Consumer Reports place le système SuperCruise de Cadillac devant, notamment parce qu’il s’assure en permanence, au moyen d’une caméra infrarouge, que le conducteur est bien attentif, quitte à immobiliser le véhicule et à appeler les secours si ce n’est plus le cas.

De son côté, si l’Euro NCAP salue le « rôle de pionnier de Tesla en matière de technologies de conduite autonome, qui se reflète dans ses très bons scores dans les catégories Compétence de l’assistance (Vehicle Assistance) et Sécurité auxiliaire (Safety Backup) », l’organisme critique le fait que l’Autopilot « ne fait pas grand-chose pour que le conducteur reste attentif. Sa stratégie particulière de direction donne l’impression que soit c’est la voiture qui se conduit toute seule, soit que c’est le conducteur qui a le contrôle total, et le système est plus autoritaire que coopératif. » Résultat : la Tesla Model 3 testée doit se contenter d’une note « Moderate » (2/4). C’est certes mieux qu’une Renault Clio ou un Peugeot 2008 (« Entry », soit 1/4), mais moins bien qu’un Ford Kuga (« Good », 3/4) ou que les Audi A8, BMW Série 3 et Mercedes GLE (« Very Good », 4/4). Des systèmes peut-être moins performants, mais qui ne poussent pas leur conducteur à l’excès de confiance.

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