Foire aux puces
En général, lorsque l’on prend possession d’une sportive de 362 chevaux, on n’a qu’une seule envie : s’échapper au plus vite par l’autoroute et chercher des routes sinueuses afin de mettre la bête à l’épreuve et, accessoirement, d’avoir la banane. Curieusement, cette fois-ci, je ne résiste pas à faire l’inverse : en quittant le siège de BMW Italie, dans la banlieue de Milan, au volant de la nouvelle sportive hybride i8, je programme le GPS sur… le plein centre-ville. Masochisme ? Plutôt l’envie de vérifier les dires des représentants de la marque, qui présentent cette nouveauté comme une sportive des villes, née pour les contraintes de la circulation d’aujourd’hui, à l’heure où la majorité des terriens sont aussi des citadins.
Une voiture de stars
Je débute donc cet essai en mode « eDrive » purement électrique. La BMW i8 se déplace alors en utilisant exclusivement l’énergie de ses batteries lithium-ion (7,1 kWh de capacité) et n’est alors mue que par son moteur électrique de 131 chevaux, situé sur l’essieu avant et doté de sa propre boîte à deux vitesses. Dans cette configuration, la i8 est donc une traction avant, ce qui se ressent si l’on démarre un peu trop vigoureusement sur les pavés humides : ça patine !
Il faut dire que pour réduire au minimum la traînée aérodynamique, l’i8 adopte des pneumatiques étroits : 195 de large à l’avant, 215 à l’arrière. Bref, mieux vaut ne pas oublier qu’en mode tout électrique, l’i8 offre 250 Nm de couple dès 0 tr/min ! Elle se faufile dans les rues de Milan en silence (et en théorie jusqu’à 120 km/h !), mais pas vraiment avec discrétion. BMW a en effet osé retranscrire quasiment à l’identique le style du concept-car Vision EfficientDynamics présenté à Francfort en 2009.
La i8 affiche des proportions de vraie sportive, avec une hauteur réduite (1,29 mètre, soit autant qu’une Porsche 911) et une largeur imposante (1,94 mètre). Mais elle y ajoute un jeu complexe de couleurs, avec une carrosserie contrastée et des touches de bleu, signature des modèles BMW i. Enfin, le carbone a donné une liberté inédite aux designers, qui ont pu jouer avec les formes, les volumes et les reliefs. Avec pour objectif numéro un de soigner l’aérodynamique, comme en témoignent les guides d’air sous les portières ou au niveau des vitres de custode.
Même topo à l’intérieur, avec une instrumentation futuriste et une planche de bord épurée. Bref, la BMW i8 semble tout droit sortie d’un film d’anticipation, et les Milanais n’en sont toujours pas revenus ! Au moindre arrêt, téléphones et appareils photo surgissent des poches et se braquent sur l’engin. Ouvrez l’une des portières en élytre, et c’est carrément l’émeute. Au volant d’une BMW i8, vous êtes Tom Cruise ou Scarlett Johansson ! Mais lorsque vous redémarrez sur les vilains pavés milanais, vous grimacez : les suspensions sont très fermes.
Orchestre mécanique
Mais assez paradé en ville ! Si la BMW i8 a été aussi conçue pour ça et s’en tire avec les honneurs (malgré d’occasionnels à-coups en mode hybride), l’envie est trop forte d’aller voir ce que tout son arsenal technologique a dans le ventre. Car elle n’embarque pas un, ni deux, mais trois moteurs : outre l’électrique de 131 chevaux situé sur le train avant et déjà mentionné plus haut, l’i8 dispose également d’un 3 cylindres turbo à injection directe de 231 chevaux installé en position centrale arrière, complété par un alterno-démarreur offrant 15 kW (20 chevaux) et 50 Nm. Un véritable orchestre mécanique dont la mise au point a du tenir du casse-tête pour les ingénieurs de Munich !
Et pour compenser les 110 kilos de batteries (96 cellules lithium-ion) et la masse de cette chaîne cinématique complexe, l’i8 repose sur une plate-forme ultra-légère en aluminium (partie basse) et fibre de carbone (cellule habitable et carrosserie). Résultat : BMW annonce un poids de 1 485 kilos… soit exactement ce que Porsche revendique pour sa 911 Carrera 4S, rivale toute désignée de cette i8 !
De vraies performances de sportive
Alors que je m’éloigne du centre-ville, je dois désactiver le mode « eDrive » car la batterie est déjà presque vide ! Les 37 kilomètres d’autonomie 100 % électrique annoncés semblent quelque peu optimistes… Mais évidemment, pas d’angoisse de la panne sèche sur cette sportive hybride rechargeable : le trois cylindres a tôt fait d’entrer dans la danse, tandis que la boîte à deux vitesses du moteur électrique avant enclenche la démultiplication la plus longue afin de s’adapter aux allures autoroutières. Au fil des kilomètres, le trafic s’éclaircit à mesure que l’on s’éloigne de la ville par les voies rapides, et le rythme augmente sensiblement. Surprise : dans ces conditions, la BMW i8 parvient à recharger sa batterie, alors que la jauge était vide quelques minutes auparavant. Lorsque l’horizon se dégage enfin, on s’amuse à titiller l’accélérateur, et la réponse de la i8 est instantanée : le couple du moteur électrique puis la vigueur du 1,5 litre turbo s’enchaînent sans rupture ni à-coup pour offrir une vigueur étonnante.
Le 0 à 100 km/h ne réclame que 4,4 secondes, le kilomètre départ arrêté est expédié en 22,8 secondes, tandis que la vitesse maxi est bridée à 250 km/h afin de ne pas trop épuiser les batteries. Plus impressionnantes encore sont les reprises, avec un 80 à 120 km/h en seulement 2,6 secondes et toujours cette réactivité instantanée à la pression sur l’accélérateur. C’est grisant, d’autant que la sonorité mécanique a été très travaillée. Certes, elle est partiellement artificielle (BMW parle « d’amplification » de certaines harmoniques du moteur thermique), mais cette musicalité à mi-chemin entre 3 cylindres et V8 est enivrante.
Un châssis efficace et équilibré
Ça y est, c’est l’heure de vérité. Nous sommes au pied d’une petite route tortueuse surplombant le lac d’Iseo, à l’est de Bergame. La BMW i8 saura-t-elle y maîtriser son incroyable complexité pour offrir ce que nous autres amateurs d’automobile appelons « plaisir de conduite » ? D’une pichenette sur le sélecteur de la boîte, je bascule en mode « Sport », ce qui a pour effet de faire fonctionner de concert les moteurs thermique et électrique en permanence, afin d’offrir les performances maximales. Dans le même temps, la sonorité mécanique se fait plus présente, la transmission adopte une cartographie plus affûtée, et l’amortissement piloté se raffermit.
L’i8 semble alors tendue comme un arc : elle dévore les bouts droits, fond sur les virages. À l’inscription, les petits pneus avant s’accrochent à la trajectoire et ne rendent pas les armes. La direction n’offre pas le meilleur des ressentis, mais elle permet de placer l’auto avec précision. Et à la remise des gaz en milieu de courbe, l’i8 enroule légèrement, démontrant avec brio la qualité des réglages de la double chaîne cinématique, mais aussi le remarquable équilibre de cette sportive high-tech.
Le plaisir est donc bien au rendez-vous, l’efficacité aussi, grâce à un centre de gravité à seulement 460 mm du sol (d’assez loin le plus bas de toute la gamme BMW). Même les sensations à la pédale de frein, pourtant délicates sur les hybrides du fait de l’inévitable transition entre décélération régénérative et freinage hydraulique, ne sont ici aucunement perturbantes. Du beau travail !