En route vers une électrification forcée comme désormais la plupart des constructeurs automobiles, l’américain Ford sacrifie sa gamme généraliste (Fiesta, Mondeo et Focus, notamment…) pour se concentrer sur des véhicules plus typés, dont le SUV électrique Mustang Mach-E.
Petite Sibérie
Bien que le Mustang Mach-E soit loué pour ses qualités dynamiques malgré une imposante masse de 2,2 tonnes et une silhouette de SUV qui éloigne a priori son centre de gravité de l’idéal sportif, il n’en demeure pas moins que le quotidien du conducteur moyen n’est pas constitué de circuits ou de routes fermées. Néanmoins, il n’est pas inintéressant de voir comment se comporte ce genre d’engin mis en situation extrême, comme ici sur le nouveau circuit de glace du lac de Flaine, aussi appelé La Petite Sibérie.
Ce circuit qui se développe de 1100 à 1700 mètres sur 8 à 20 mètres de large est aussi le plus grand de France, mais il a surtout la particularité de ne quasiment jamais voir le soleil de tout l’hiver en raison de son implantation entre deux pics montagneux. Il bénéficie aussi d’une bonne visibilité et présente peu de dangers en cas de sortie du tracé, sinon une rivière qui longe sa longue ligne droite en partie sud et qui s’aborde par un virage à 90° à droite présentant assez peu de difficulté, pourvu que l’on maîtrise son optimisme.
De 580 à 860 Nm sur la glace !
Pour cet essai atypique, nous disposons de Mustang Mach-E GT et Mustang Mach-E Extended Range AWD, c’est à dire dotées de 4 roues motrices. Le second modèle, disponible à partir de 76 800 euros, alimente ses deux moteurs par une batterie de 99 kWh (88 kWh utiles) et développe 351 ch et 580 Nm de couple. Ces caractéristiques lui permettent d’abattre le 0 à 100 km/h en 5,8 secondes… sur piste sèche. Le défi, ici, va consister à faire évoluer tout cela sur un mélange de glace et de neige fraiche et, tant qu’à faire, à en maîtriser la glisse.
La version GT (à partir de 87 200 euros), elle, développe 487 chevaux et 860 Nm de couple… pas moins. Son autre particularité est de permettre la déconnexion totale des béquilles électroniques que sont anti-patinage, ABS et ESP, là ou l’autre version conservera toujours l’ESP, même s’il est possible d’en retarder la mise en fonctionnement lorsque le mode de conduite Untamed (indompté, en anglais) est engagé. Dans les deux cas, nos véhicules sont équipés de pneus à petits clous dont l’usage est strictement réservé à la conduite sur ce genre de terrain non déneigé. Ils vont donner un vrai avantage en conduite « normale », mais nous verrons bien vite qu’ils ne suffisent pas pour s’autoriser tous les excès une fois la bride lâchée.
Question de dosage
Grâce à ces pneus nordiques, la mise en route sur la glace ne pose aucune difficulté. Si l’on dose correctement l’accélérateur – ce qui n’est pas évident avec de grosses chaussures adaptées à la neige –, on pourrait quasiment accélérer comme sur route sèche, sans faire patiner les roues. Évidemment, le but ici est précisément de faire l’inverse : se mettre en difficulté, partir en glisse et, surtout, maîtriser la dérive. Pour les deux premiers points, rien de plus simple. Après tout, on est sur de la glace et il suffit de mettre un peu d’angle sur le volant et de pied sur l’accélérateur pour que l’auto se mette à glisser. Plus compliqué est de savoir doser le frein et l’accélérateur pour permettre aux 2,2 tonnes de garder le museau sur le point de corde pendant la dérive. Trop d’angle, trop d’accélérateur ou trop de frein trop tôt, et le ballet se transforme en un pogo plus pathétique qu’esthétique. On glisse certes toujours, mais c’est moins propre.
La banane
Les premiers tours de circuit provoquent néanmoins et irrésistiblement la banane. Non seulement on est surpris par la relativement bonne maniabilité de l’engin sur ce terrain on ne peut plus glissant, mais en plus on se fait vite plaisir en trouvant ses limites, puis en les transgressant pour arriver inlassablement à celles de la voiture et de la physique.
Un mode dégradé déconcertant
Sans trop peiner, toutefois, on parvient rapidement à planter quelques marques et à améliorer sa glisse, tour après tour. Puis, comme sur tous les circuits qu’ils soient constitués d’asphalte, de terre ou de glace, la piste évolue. La journée avance, le froid se fait plus prégnant et la neige tend à glacer. Conséquence, l’électronique travaille plus, les repères sont perdus et on a rapidement fait de se mettre en tête à queue ou de s’appuyer plus ou moins volontairement sur les monticules de neige pour rester dans la trace. Et à force de travailler, l’électronique produit un effet assez inattendu en se mettant en défaut. Sur toutes les voitures du monde ou presque, un défaut qui se signale à l’unité centrale mettra l’auto en mode dégradé en réduisant la puissance drastiquement en en interdisant de dépasser une certaine vitesse, par exemple. Sur une Mustang Mach-E à quatre roues motrices, le mode dégradé consiste à déconnecter le moteur avant pour ne conserver que la propulsion, mais pas réduire sa puissance disponible. Autrement dit, on se retrouve sur la glace avec un véhicule presque impossible à maîtriser. Même si l’on comprend qu’il s’agit de protéger le moteur du train avant, c’est déconcertant, mais tout de même drôle surtout dans ce contexte. Surtout, il suffit de s’arrêter et couper le contact pour réinitialiser le système et, une fois reparti, retrouver la transmission intégrale et la maniabilité qu’elle procure.
Bilan
Au bilan, et c’est indéniable, on trouve beaucoup de plaisir à faire glisser le Mustang Mach-E. On peut faire dériver en maîtrise ce SUV électrique de plus de deux tonnes. Simplement, on trouve plus vite les limites qu’avec un véhicule thermique, par essence plus léger et dont on gère également plus facilement l’accélérateur. D’abord parce que le bruit d’un moteur donne des indications précises sur l’endroit où son régime se situe dans sa plage de fonctionnement, ensuite, parce qu’une transmission mécanique (qu’elle soit pour deux ou quatre roues motrices) est également plus prévisible dans ses réactions à l’accélération.
Alexandre Lenoir, Photos : © Clément Choulot, pour Ford