Voyageur du futur
La Tesla Model S fait l’objet d’un véritable phénomène de mode : c’est la voiture du moment, celle qui plaît aux technophiles avides de modernité et de distinction. Des gens qui voient souvent en son créateur, Elon Musk, une sorte de nouveau messie prêt à bousculer la poussiéreuse industrie automobile, comme fit Steve Jobs dans la téléphonie mobile. Dernier coup de théâtre en date de Musk : le lancement du logiciel 7.0 pour la Model S, qui ajoute une fonctionnalité de pilotage automatique façon voiture autonome. Rien que ça ! Cela méritait bien un nouvel essai, d’autant que la berline américaine se décline désormais en version à quatre roues motrices, baptisée « Dual Motor ». En clair, un moteur électrique sur chaque essieu, d’une puissance de 510 ch à l’arrière et 262 à l’avant. Pour autant, additionner les deux chiffres n’a pas de sens : si les deux machines sont supposées délivrer 772 ch en fonctionnant conjointement, la batterie n’a pas les ressources nécessaires pour les faire marcher à 100 % simultanément. Après qu’une polémique a éclos à ce sujet, Tesla a d’ailleurs revu la puissance à la baisse : les Model S P85D et P90D développent ainsi jusqu’à 539 ch en conditions réelles. De toute manière, le vrai chiffre impressionnant reste celui du couple maxi : 967 Nm dès 0 tr/mn ! L’autonomie, elle, avoisine les 400 km. Au pire, le réseau de superchargeurs en plein essor permettra un dépannage ponctuel, et autorisera même quelques longs trajets en Europe. En une demi-heure de charge (gratuite) à ces « stations-service », on récupère environ 200 km de rayon d’action. Pratique !
Qualité en hausse, options chères
Extérieurement, rien ne distingue les Model S intégrales des variantes classiques, à part un discret « D » qui vient s’ajouter au matricule apposé sur le hayon. Lisse comme un galet à l’extérieur, la Model S est tout aussi épurée à l’intérieur. Il règne dans l’habitacle une atmosphère très zen, et la plupart des boutons sont remplacés par la tablette tactile de 17 pouces qui contrôle à peu près tout à bord. Notons au passage que la qualité de finition s’est améliorée, et que l’option « Intérieur premium » (3 300 € tout de même!) ajoute un habillage cuir du plus bel effet sur la planche de bord et des contreportes, ainsi qu’un ciel de pavillon en Alcantara. Il est en revanche regrettable qu’à ce tarif la sellerie cuir soit facturée en supplément : 1 900 € au minimum ! À part ça, l’habitabilité est excellente (même si la garde au toit à l’arrière pourrait être plus généreuse) et le coffre toujours gigantesque, avec un volume de 750 dm³, auxquels il convient d’ajouter 84 dm³ supplémentaires qui ont pu être préservés sous le capot avant malgré l’installation du deuxième moteur. S’installer à bord d’une Model S reste une expérience un peu à part. D’abord, les poignées de portières s’érigent automatiquement à votre approche. Ensuite, une fois la ceinture bouclée, il suffit de placer le sélecteur sur D ou R pour partir. Pas de bouton « start˝, pas de Neiman à chercher à tâtons, difficile de faire plus simple ! Sous les yeux du conducteur, l’instrumentation est aussi épurée que la présentation intérieure, toutes les informations étant regroupées sur un écran à cristaux liquides. À gauche, les instructions de navigation sur une carte en 3D, à droite l’indicateur de puissance instantanée et de consommation, au centre, la vitesse et les informations du régulateur de vitesse adaptatif.
Main de fer…
Côté sensations, c’est la douceur qui prédomine, avec un fonctionnement ouaté, un frein moteur finement jugé et des commandes tout en souplesse. Seules fausses notes : quelques trépidations à basse vitesse liées aux jantes de 21 pouces chaussées de pneus taille basse (la suspension pneumatique optionnelle ne règle pas le problème), ainsi que des bruits d’air et de roulement un peu trop présents sur autoroute. Les performances ? Elles décoiffent, évidemment ! Tesla revendique un 0 à 100 km/h en 3 s pile, ce dont on ne doute pas un instant, tant la vigueur de l’accélération impressionne. La Model S semble plisser le bitume derrière elle ! À noter que pour profiter des poussées les plus percutantes, il faudra au préalable activer le mode « puissance maximum » afin d’amener les batteries à une température de fonctionnement optimum, opération réclamant de 15 à 25 minutes suivant les cas. La Model S P90D embarque quelque 700 kg de cellules lithium-ion. Un surpoids que la coque réalisée en alu, pour plus de légèreté, ne compense que partiellement : l’auto pèse 2 164 kg à vide. Heureusement, le pack d’accumulateurs est situé dans le plancher, entre les deux essieux, ce qui abaisse le centre de gravité et offre un bon centrage des masses. Du coup, l’auto vire à plat et se révèle étonnamment agile eu égard à son embonpoint. La motricité est excellente, et l’équilibre reste typé propulsion, le moteur le plus puissant étant à l’arrière. Seul regret : la direction se révèle muette concernant le grip disponible sur le train avant.
Le futur ? C’est maintenant !
Quant à la nouvelle fonctionnalité de pilotage automatique (encore une option : 2 700 €), son degré de maturité est impressionnant. Une fois le régulateur adaptatif enclenché, il suffit d’une double impulsion sur le commodo pour enclencher le suivi de trajectoire. La Model S « lit » alors le marquage au sol et la position des autres véhicules pour se gérer sans intervention du conducteur. Bien évidemment, il convient de superviser le fonctionnement du système, qui n’est pas à l’abri d’une erreur d’appréciation. Mais il fonctionne de 0 à 150 km/h, même par temps humide, et saura effectuer un changement de file selon vos instructions. De quoi rouler plus décontracté, que ce soit dans les embouteillages du quotidien ou lors d’un monotone trajet autoroutier. Rouler bras croisés à 130 km/h au volant de la Model S donne l’impression d’être déjà dans le futur ! Et même si la Tesla ne vole pas comme la DeLorean de Marty McFly, le pilotage automatique permet de gommer la fatigue des longs trajets ou l’ennui des interminables embouteillages. En somme, c’est une sorte de super-régulateur de vitesse. Et le meilleur système de délégation de conduite que j’ai eu l’occasion d’essayer.