L’électrique longue distance
Après les SUV EQC, EQA, EQB et le tout récent grand EQS SUV, Mercedes continue d’étoffer sa gamme de véhicules électriques à bon rythme. La marque allemande double désormais son offre de berline avec l’EQE qui suit de près la grande EQS. En reprenant à son compte tous les éléments de la luxueuse limousine dans un format plus compact et à des tarifs relativement plus abordables, l’EQE tente la démocratisation. Un bien grand mot pour ce modèle qui démarre à 75 000 €. Elle repose elle aussi sur la plateforme EVA2 et mesure 4,95 m, soit la longueur d’une Classe E. Pour le reste, elle se positionne clairement comme une EQS en réduction. Mercedes s’amuse encore aux poupées russes avec une design, une ambiance intérieure et un contenu technologique quasi identique à l’EQS.
Mais ici, la gamme se décline en trois versions. L’entrée de gamme 300 (une propulsion de 245 ch), notre 350 d’essai (292 ch), et le haut de gamme sportif 53 4MATIC+ qui s’adjoint les services d’un deuxième moteur électrique, placé sur le train avant, et qui développe 625 ch. Une possible alternative à la Porsche Taycan Turbo, vendue 124 100 €. Les deux déclinaisons les plus accessibles offrent quant à elles le choix entre deux finitions, Electric Art et AMG Line.
Elles s’appuient toutes sur une même batterie affichant 90,5 kWh. Notre version 350 Electric Art promet des consommations comprises entre 15,4 et 17,7 kWh/100, pour une autonomie confortable qui pourrait aller jusqu’à 654 km. Côté recharge, une telle batterie réclame patience une fois branchée en courant alternatif (plus de 8h). Mais avec une charge en courant continu, et une puissance de recharge maximale de 170 kW, l’EQE est capable de passer de 10 à 80 % en 32 minutes. C’est mieux, mais une Tesla Model S (qui arrive chez nous en fin d’année) et une Porsche Taycan encaissent davantage de puissance sur les bornes de recharge rapide.
Voilà pour la fiche technique. Qu’en est-il une fois à bord ? Et bien on découvre une ambiance mêlant délicieusement atmosphère futuriste façon navette spatiale (grand écran vertical, éclairage intérieur dynamique, buses d’aérateurs turbine). L’esprit est très proche de celui de l’EQS (l’Hyperscreen est réservé, en option, à la version 53 AMG), à quelques détails de finition près. Les matériaux qui craquent sous la main en haut de la planche de bord font cheap dans une voiture facturée plus de 100 000 € avec les options. L’ergonomie demande un – petit – temps d’adaptation, mais on se fait rapidement à cet univers numérique, aux graphismes extrêmement travaillés. Au seconde rang, l’espace est suffisant, mais on attendait plus d’une berline aussi longue, a fortiori électrique. Le confort est de mise avec une banquette bien creusée (mais un peu ferme). On regrettera également la garde au toit légèrement oppressante. Idem côté coffre : avec seulement 430 litres de chargement, qui plus est, accessible via une simple malle, l’EQE n’impressionne pas par ses côtés pratiques, et se place au niveau des berlines du segment inférieur concernant ce domaine.
Mais cette Mercedes EQE 350 est-elle vraiment pensée pour les départs avec famille et bagages ? Pas forcément. Pourtant, cette longue berline aérodynamique et à l’efficience optimisée est effectivement capable de longues liaisons. Batterie pleine au départ, l’ordinateur affiche une rassurante autonomie de presque 600 km. Après quelques dizaines de kilomètres parcourus sur le réseau secondaire, la consommation moyenne affichée d’environ 18 kWh/100 km confirme cette endurance. Il ne faut pas trop forcer pour dépasser les 500 km avant de devoir recharger. Sur autoroute, même avec la climatisation activée, relier la prochaine borne située à plus de 400 km ne devrait pas poser de soucis. Voilà de quoi rassurer les réfractaires, encore craintifs de l’autonomie de ce type de véhicule. De plus, l’EQE se base sur un planificateur d’itinéraire embarqué et un mode automatique du freinage régénératif (utilisant données GPS et capteurs) pour optimiser les temps de recharge.
Une électrique longue distance donc, qui permet par ailleurs de voyager dans un confort qui fait référence. Un niveau de filtration excellent que l’on doit à la très efficace suspension pneumatique en option. Capable aussi bien d’absorber les petites déformations que les grandes ondulations en maitrisant les mouvements de caisse, l’EQE 350 fait honneur à son blason en la matière. L’insonorisation y joue aussi pour beaucoup, avec des bruits d’air et de roulement très bien maitrisés. Hormis la grande et exclusive EQS, on fait donc difficilement mieux que cette EQE pour parcourir de longs trajets en tout électrique.
Mais ce niveau de confort a un revers, et l’EQE, du moins dans cette version 350, n’est clairement pas la plus dynamique. Pourtant, notre modèle d’essai est équipé des roues arrière directrices jusqu’à 10° (en option). Un attribut technique qui réduit drastiquement le rayon de braquage en ville, mais qui ne fait pas de miracle sur la route. Très lourde (près de 2,4 tonnes), et clairement typée confort, l’EQE n’aime pas être brusquée. Entre une inertie certaine sur les changements de cap, une direction qui isole totalement de la route et des performances un peu justes à ce niveau de gamme, l’allemande ne convaincra pas les amateurs de conduite. Cette propulsion n’en a pas vraiment le caractère, ses pneus crient rapidement à l’aide et le freinage nécessite de fermement appuyer sur la pédale pour être rassuré en toutes circonstances. Certes, une Porche Taycan, tout aussi lourde, est autrement démonstrative sur la route. Et une Tesla Model S est une véritable fusée sur roues. Mais la première est loin d’offrir le même rayon d’action et la seconde tarde à revenir en Europe. Et aucune des deux n’affichent le même intérieur cosy au confort remarquable. Un crédo qui manquait encore d’une digne représentante, chose désormais faite par cette EQE, qui n’hésite cependant pas à facturer ses services au prix fort. Faut-il encore descendre d’un cran et proposer une alternative à la Model 3 pour réellement faire la différence ? Probablement.