Une nouvelle race de supercars
Les locaux d’Exagon Motors, installés dans un hangar anonyme de la technopôle de Magny-Cours, ne paient pas de mine. Et pourtant, derrière ces cloisons en tôle ondulée s’active une équipe de 70 personnes avec un seul objectif : redonner ses lettres de noblesse à l’industrie automobile française. Rien que ça ! Il est vrai que le haut de gamme et la France, c’est une histoire compliquée. Si notre pays était une référence absolue avant la guerre, les gloires d’antan se sont éteintes les unes après les autres. Et malgré les efforts de Facel ou Venturi, les tentatives de renaissance se sont à chaque fois soldées par des échecs. « Pourtant, dans le monde entier, la France est le pays du luxe ! », s’exclame Éric Mathiot, responsables des ventes et du marketing chez Exagon Motors. « Alors, pourquoi pas dans l’automobile également ? » ajoute-t-il. Mais pas question pour autant de faire une énième supercar à moteur thermique !
À l’école de la compétition
Il se trouve qu’Exagon Motors ne sort pas de nulle part : la marque est une émanation d’Exagon Engineering, firme dédiée à la compétition automobile fondée en 2004 par Luc Marchetti. C’est à Exagon et Marchetti que Max Mamers s’adresse lorsqu’il souhaite décliner le concept du Trophée Andros en version électrique. « Il a fallu apprendre à faire fonctionner des voitures électriques dans des conditions peu favorables », explique Luc Marchetti, « avec des basses températures que n’aiment pas les batteries et de l’humidité qui peut poser problème sur les circuits électriques. » Mais ça marche, et Exagon Engineering y acquiert un vrai savoir-faire en matière de voitures électriques à hautes performances.
Mais Luc Marchetti rêve de concevoir « sa » supercar. En 2010, il rassemble suffisamment de fonds pour réaliser un prototype et s’offrir un stand au Mondial de Paris : la Furtive eGT y fait un tabac ! Tout juste deux ans plus tard, la voiture roulante est présentée au même salon de Paris, sur un stand voisin de celui de McLaren. Ron Dennis ne manque d’ailleurs pas d’y faire un tour, accompagné d’une horde d’ingénieurs admiratifs devant le travail accompli. Reste que si les observateurs saluent la qualité du travail accompli, ils restent parfois sceptiques devant le tarif annoncé : 404 000 € ! La clientèle sera-t-elle au rendez-vous ?
Déjà 60 commandes fermes
Juillet 2013. Exagon Motors nous ouvre ses portes pour découvrir l’auto et faire plus ample connaissance avec l’équipe qui travaille sur le projet. Et, justement, un client potentiel doit passer aujourd’hui pour essayer la voiture ! Cette nouvelle phase dans la commercialisation de l’auto a débuté depuis quelques jours, et Exagon a déjà enregistré une soixantaine de commandes fermes. Le profil de la clientèle ? Des gens fortunés, évidemment, collectionneurs et/ou gentlemen drivers, venant principalement d’Europe et du Moyen-Orient. Exagon Motors a également les yeux tournés vers l’Asie : Chine, Corée du Sud, Japon… Quant à la commercialisation sur le marché américain, elle n’est pas encore au programme. La voiture y est théoriquement homologable, mais il faudrait sacrifier trois voitures pour satisfaire aux crash-tests locaux, et l’entreprise a d’autres priorités pour le moment ! Voilà pour le volet « business ».
Une étonnante boîte de vitesses
Pendant ce temps là, dans l’atelier, les mécaniciens s’affairent autour des voitures de présérie. La production proprement dite n’a pas encore démarré, les premières livraisons n’étant pas attendues avant la fin du printemps 2014. En l’état, Exagon Motors est capable d’en fabriquer 150 par an, avec la possibilité de doubler ce chiffre grâce à un projet d’extension des locaux déjà dans les cartons. Inlassablement, Luc Marchetti explique à tous les visiteurs les spécificités techniques de la Furtive eGT. Sa plus grande fierté ? L’étonnante boîte à trois vitesses sans rupture de couple, « entièrement conçue par Exagon ». Elle vient se loger entre les deux moteurs Siemens refroidis par eau, et a pour but d’améliorer les performances tout en optimisant l’efficacité énergétique du groupe motopropulseur.
Le « made in France » à son meilleur
Pour le reste, la Furtive eGT est un mariage des savoir-faire français dans tous les domaines. Ainsi, les batteries sont fournies par Saft, qui travaille habituellement dans le domaine aéronautique et spatial. Elles sont capables d’encaisser 3 000 cycles de charge en conservant 80 % de leur capacité. Les freins sont signés par le français Beringer : en combinaison avec le freinage régénératif des moteurs électriques, la Furtive eGT offre une capacité de décélération de 1,2 g ! « C’est meilleur que Porsche », se plaît à préciser Luc Marchetti.
Les pneus Michelin Pilot Super Sport ont été spécifiquement conçus pour supporter le couple à la roue très élevé procuré par cet inhabituel ensemble moteur électrique/boîte de vitesses. Le manufacturier a également contribué aux réglages des trains roulants. Même le système Hi-Fi est fourni par un spécialiste français : Focal. Il profite à fond du fait que la fibre de carbone qui compose la coque ne vibre pas, contrairement à la tôle, ce qui autorise une absolue pureté du son.
Artisanat d’art
Si la technique impose le respect, c’est aussi le cas de la présentation intérieure. Dans un coin de l’atelier, une employée s’affaire à coudre les peaux qui viendront habiller l’habitacle. Et pas n’importe quelles peaux : vachette, veau, taurillon, toutes fournies par un tanneur qui officie d’habitude pour les grands noms de la maroquinerie tricolore. La planche de bord ne reprend quasiment aucun élément de la grande série.
Ainsi, les comodo sont en carbone et cuir, tandis que les pièces en aluminium taillé dans la masse abondent. L’instrumentation sur écran à cristaux liquides est enchâssée dans des cadrans en aluminium évoquant l’univers de l’horlogerie, et les vis apparentes sont des pièces spécifiques, dessinées comme des bijoux. Même le système d’info-divertissement est exclusif à la Furtive eGT ! Enfin, l’auto est une « vraie » 2+2 : « Le cahier des charges spécifiait que je devais pouvoir m’installer confortablement à l’arrière », explique Luc Marchetti, qui mesure un bon mètre 85. Quant aux deux coffres (un à l’avant, un à l’arrière), ils cumulent 335 dm3 de volume utile, et Exagon fournit même de somptueux bagages sur mesure !
Une fusée !
Mais assez discuté, place au roulage ! Nous montons à bord de l’auto qui sert aux démonstrations aux futurs clients, et nous dirigeons vers le circuit Club de Magny-Cours. Luc Marchetti s’installe d’abord au volant histoire de nous montrer ce dont la bête est capable. À peine sorti de la pitlane, il me dit : « alors, 400 chevaux en électrique, ça donne ça », et j’ai à peine le temps de réaliser que je me retrouve écrasé dans le siège ! La poussée est franche, continue, sans à-coup, rendant les changements de vitesse totalement indécelables. Dans les virages qui suivent, et notamment dans le long et très technique double gauche, la Furtive eGT fait preuve d’un bel équilibre. Quant au freinage, il est tout simplement démoniaque : la ceinture s’incruste littéralement dans mon épaule ! Après deux tours à bon rythme, nous échangeons nos places.
Douceur totale, punch intégral
Les réglages (manuels) des sièges et du volant permettent de facilement trouver sa position de conduite. Une pression sur le bouton « power » en bas de la console centrale, une autre sur le bouton « drive », et nous voilà partis… dans le plus grand silence évidemment. La direction est étonnamment légère mais n’en reste pas moins précise (Exagon a opté pour une assistance électro-hydraulique plutôt que pour une pure électrique). Les trois vitesses passent sans le moindre à-coup, et il faut vraiment observer l’instrumentation pour avoir la confirmation que l’on a bien changé de rapport, tant la douceur de ce groupe motopropulseur est totale !
Arrivé au bout de la ligne droite, je ne résiste pas à la tentation d’effectuer un départ arrêté. Première enclenchée, j’écrase l’accélérateur et la Furtive eGT s’arrache d’un bond. La poussée est immédiate : contrairement à une sportive thermique, l’Exagon offre une réactivité parfaite à l’accélérateur, qui rend la poussée d’autant plus impressionnante. Celle-ci reste par ailleurs constante au fil des rapports… et je dois rapidement me jeter sur les freins pour stopper la Furtive eGT dans son élan. La voiture est donnée pour un 0 à 100 km/h en 3,5 secondes, ce qui paraît totalement réaliste. Quant à la vitesse maxi, elle est bridée à 250 km/h afin de ne pas assécher trop vite les batteries. Diantre, quel engin !
Merci au Circuit de Magny-Cours pour son accueil. Deux pistes sont disponibles à la location : le tracé « Grand Prix », long de 4,41 km, et le tracé « Club » de 2,53 km.
Informations sur www.circuitmagnycours.com