Le cheval bascule dans l’électrique
Grand spécialiste du marketing, Ford a frappé un coup fumant en 1964 avec la Mustang. Strictement issue d’une excellente appréciation du marché, elle a rencontré un succès phénoménal, et conserve une aura incomparable. L’Ovale bleu le sait fort bien, et ne peut par ailleurs ignorer le formidable engouement dont bénéficient les voitures zéro émission, même s’il existe surtout grâce à de larges subventions, son intérêt écologique demeurant discutable. Paradoxe, le marché veut aussi des SUV, réputés moins frugaux (ça ne se vérifie pas toujours), donc moins émetteurs de CO2. Aussi, quoi de plus logique que Ford d’avoir, dans un tour de passe-passe marketing, nous serve un SUV électrique baptisé Mustang Mach-E ? En tout cas, on peut dire que son design est une réussite. Il ne verse pas bêtement dans le néo-rétro mais profite d’un caractère propre, affiche de belles proportions, et se contente d’un gabarit très européen, avec une longueur de 4,71 m. De plus, dans la rue, il fait tourner bien des têtes et ne suscite que des réactions positives.
Une électrique classique
Comme nombre d’autres électriques, la Mach-E implante ses cellules lithium-ion dans le plancher, afin d’abaisser et de centrer les masses, ce qui profite théoriquement au comportement routier, le moteur étant à l’arrière. Deux capacités nettes de batteries sont disponibles, 68 kWh et 88 kWh, cette dernière autorisant une autonomie annoncée à 610 km pour la version à propulsion Extended Range de 294 ch. L’entrée de gamme de 269 ch dotée de la petite batterie se contente de 440 km.
La Mach-E est également proposée en quatre roues motrices, auquel cas elle adopte un deuxième moteur, plus petit, à l’avant. La puissance reste à 269 ch avec les accumulateurs standard mais s’établit à 351 ch avec les plus grands, le couple passant de 430 à 580 Nm. Dans cette configuration, ici à l’essai, la Mach-E pèse la bagatelle de 2 182 kg, ce qui n’empêche pas son autonomie moyenne de pointer à 540 km : amplement suffisant de prime abord. Le Cx très convenable de 0,30 constitue d’ailleurs une aide certaine pour optimiser le rayon d’action sur autoroute, où les électriques ne sont pas à leur avantage. Quant à la recharge, il faut 45 min pour passer de 10 à 80 % sur une borne rapide, l’auto acceptant une puissance maxi en courant continu de 150 kW, ce qui correspond, selon Ford, à 107 km gagnés toutes les 10 min. Autre fait intéressant, le constructeur de Dearborn est partenaire du réseau de chargeurs haut débit Ionity, ce qui facilite bien les choses. Si on préfère brancher sa voiture chez soi, on a le choix entre deux wallbox, une de 7,4 kW, l’autre de 11 kW, permettant de passer de 10 à 80 % en 6 heures minimum. Sans, il faudra compter quelques dizaines d’heures, évidemment. Des valeurs se situant globalement dans une très bonne moyenne, surtout que le prix de notre version n’a rien de délirant : 65 990 €. Ce montant suppose un équipement très complet, puisque la clim bizone, les sièges électriques chauffants, les aides à la conduite dernier cri, la clé intégrée au smartphone, les projecteurs à LED actifs ou encore les jantes de 19 sont compris.
A bord, c’est clair : Ford a bien regardé ce que fait Tesla. En effet, on trouve une ambiance épurée, dominée par un immense écran central de 15,5 pouces compatible Carplay et Android Auto. Hélas, comme chez la concurrence, son usage demeure complexe vu la profusion de menus et de sous-menus, permettant de paramétrer presque tout. Détail intéressant : on peut coupler le régulateur de vitesse à la reconnaissance de panneaux routiers et paramétrer automatiquement un surcroît de km/h pour compenser la marge d’exagération du tachymètre. Si l’habitacle séduit par son espace et ses nombreux rangements, la finition se contente d’une honnête moyenne. Parfaitement installé au volant, on trouve devant soi un second écran, simplifié, n’affichant que les infos essentielles. On se sent en confiance pour utiliser ce SUV électrique, qui se révèle d’autant plus relaxant en ville qu’on peut le conduire en n’utilisant qu’une seule pédale grâce au fort freinage régénératif intervenant au lever de pied.
A l’aise au galop
Sur route, fût-elle froide et humide comme le jour de cet essai, la Mach-E régale par ses excellentes qualités routières. Les masses bien réparties jouent bien leur jeu, l’adhérence est importante, et la motricité, bien sûr, impeccable. Comme la direction se révèle adroitement calibrée, on retire un certain agrément au volant de ce SUV américain, par ailleurs très silencieux, qui dispose de trois modes de conduite, Whisper (chuchotement), Active et Untamed (sauvage). Sur ce dernier, la Ford gagne en réactivité, il est donc idéal pour taper un peu dans les réserves de puissance. On n’est pas déçu, les accélérations collent au siège sans aucun temps de réponse, même sur chaussée dégradée. Revers de la médaille, la suspension, couplée à des trains roulants rigoureusement guidés, se révèle ferme et secoue les passagers aux allures courantes. Dommage qu’on ne puisse régler la dureté des amortisseurs.
Dernier point, la consommation d’énergie. Dans des conditions climatiques peu favorables aux électriques (6°C, pluie), qui fonctionnent idéalement aux alentours de 25°C, et sur un trajet associant majoritairement départementales et voies rapides, elle se situe aux alentours de 21 kWh, ce qui correspond à une autonomie probable de 400 km. Cela reste assez loin du chiffre avancé par Ford, mais on pourrait nettement s’en approcher avec plus de roulage urbain et une température 3 à 4 fois plus élevée. Aussi, ce résultat est-il à porter au crédit de la Mach-e. L’électrique n’est pas la mort du petit cheval !