On pourrait penser que dans la lutte contre le réchauffement climatique, tout effort est bon à prendre. C’est d’autant plus vrai que, si l’on en croit les données du Citepa, les voitures particulières représentent la moitié des émissions de CO2 du transport routier. Donc plus il y a de véhicules électrifiés, mieux c’est. Et avec leur technologie qui les rend capables d’effectuer les trajets quotidiens en mode électrique tout en pouvant parcourir de grandes distances grâce à leur moteur thermique, les hybrides rechargeables semblent être un outil incontournable de la transition écologique du secteur automobile. De fait, l’offre a été décuplée ces dernières années, à (presque) tous les niveaux de gamme, et certains modèles bénéficient en France d’un bonus écologique de 2 000 €.
Mais voilà que l’ONG Transport & Environment jette un pavé dans la mare aux PHEV, en publiant une étude au vitriol dénonçant la « chimère » que seraient les hybrides rechargeables. Et l’ONG n’y va pas par quatre chemins, dénonçant « un nouveau scandale d’émissions », faisant résonner des échos similaires à ceux du Dieselgate cinq ans plus tôt. La raison de ce courroux ? Ces hybrides « polluent bien plus que ne l’affirment les constructeurs automobiles – même avec un démarrage à batterie pleine. » Transport & Environment a testé les trois best-sellers européens (BMW X5, Mitsubishi Outlander et Volvo XC60), relevant qu’« avec une batterie vide, ils ont émis trois à huit fois plus de CO2 que les valeurs officielles. Et lors d’une conduite en mode recharge de batterie [… les chiffres étaient alors trois à douze fois supérieurs. » Diantre ! Faut-il parler de « PHEVgate » ?
En lisant ces lignes, les connaisseurs du dossier n’ont pu réprimer un roulement d’yeux : clairement, en dénonçant ce « scandale », Transport & Environment a tout simplement enfoncé des portes ouvertes, en passant totalement à côté du sujet. Bien sûr, la norme d’homologation WLTP est inadaptée aux hybrides rechargeables, dont la particularité est d’avoir deux modes de fonctionnement complètement différents, d’où des chiffres officiels guère significatifs. Évidemment, lorsque l’on active le mode recharge en roulant, le moteur thermique doit à la fois mouvoir le véhicule et refaire le plein de la batterie, d’où une consommation qui flambe. Merci Captain Obvious, comme disent les jeunes sur les réseaux sociaux !
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Transport & Environment s’attaque aux hybrides rechargeables. Déjà, mi-septembre, l’ONG dénonçait les « tricheries » des constructeurs et le caractère optimiste des taux de CO2 annoncés à l’homologation… tout en reconnaissant qu’en conditions réelles l’ensemble des PHEV en circulation émettaient en moyenne tout au long de leur cycle de vie moins de CO2 que les autres modèles thermiques. Et pas qu’un peu : 15 % de moins que des hybrides classiques (HEV), 28 % de moins qu’un essence, et presque 32 % de moins qu’un diesel.
Il est vrai que l’on lit ici où là des témoignages de retours d’hybrides rechargeables en location longue durée dont le câble de recharge n’a jamais été déballé, laissant entendre que leurs conducteurs ne les ont jamais branchés. Dans ces cas, on a plutôt envie de blâmer les gestionnaires de parc qui n’ont probablement pas bien sélectionné et/ou formé les allocataires de ces véhicules au profil très particulier. Et d’ailleurs, je n’ai jamais entendu un constructeur dire que les hybrides rechargeables étaient pour tout le monde et pour tous les usages. Avec une autonomie électrique de quelques dizaines de kilomètres, ils se destinent avant tout aux trajets du quotidien, qu’il pourront effectuer sans consommer une goutte d’essence… à condition, bien entendu, de pouvoir les recharger à domicile.
À la décharge de leurs détracteurs, il est vrai que les hybrides rechargeables ont parfois des allures de niche fiscale. C’est particulièrement vrai dans le haut de gamme : les seules Audi Q7, BMW Série 7, Range Rover ou Porsche qui échappent au matraquage du malus écologique sont les versions hybrides rechargeables. En outre, les entreprises qui en immatriculent bénéficient d’une exonération totale ou partielle de la Taxe sur les véhicules de société (TVS), économisant ainsi plusieurs centaines voire milliers d’euros par an et par véhicule. De quoi faire saliver n’importe quel directeur financier…!
Il n’empêche, à l’heure où le maillage de bornes de recharge est encore insuffisant pour pouvoir planifier sereinement de longs déplacements en véhicule électrique, les hybrides rechargeables proposent une solution qui permet de décarboner dès maintenant les déplacements pendulaires du quotidien, tout en conservant la possibilité de partir en vacances avec son auto sans stress inutile. Ce n’est sans doute pas parfait, mais c’est déjà un début.
Enfin, les hybrides rechargeables n’ont pas vocation à perdurer éternellement. En combinant moteur thermique, moteur(s) électrique(s) et batterie, les PHEV cumulent en effet les coûts de fabrication et d’entretien, ce qui explique qu’ils ont du mal à descendre en gamme : le modèle le moins cher actuellement disponible est le Renault Captur E-Tech Plug-in, affiché tout de même 34 250 € hors bonus. Dans le même temps, les modèles 100% électriques voient leurs prix baisser et leur autonomie augmenter. Certains, comme le tout nouveau BMW iX3, sont même peu ou prou au tarif des versions… hybrides rechargeables ! Comme quoi, ce ne sont peut-être pas les ONG comme Transport & Environment qui auront la peau des « PHEV »…