Voiture autonome : la fin des promesses en l’air ?

Pour attirer les investisseurs, constructeurs automobiles historiques et start-ups de la mobilité vantent leurs avancées dans le domaine de la voiture autonome… quitte à parfois faire passer des vessies pour des lanternes ! Mais les autorités veulent tirer les choses au clair…

On ajoutera peut-être bientôt un nouveau terme au dictionnaire : celui d’autonowashing. Inventé par Liza Dixon, chercheuse américaine spécialisée dans l’interaction homme-machine, ce terme désigne selon elle « la pratique consistant à faire des affirmations non vérifiées ou trompeuses qui déforment le niveau de supervision humaine requis par un produit, un service ou une technologie partiellement autonome. » En clair, faire passer quelque chose pour plus autonome qu’il ne l’est réellement !

Parmi les pionniers de l’autonowashing, on pense évidemment à Tesla, qui n’a pas hésité à baptiser son système de conduite semi-autonome « Autopilot », laissant entendre qu’il était capable de se débrouiller sans conducteur. Le patron Elon Musk lui-même s’est fait filmer lâchant le volant avec l’Autopilot activé, alors que le manuel d’utilisation précise que le conducteur doit toujours garder ses mains sur le volant. Le même Tesla promet depuis plusieurs mois un nébuleux « Full Self Driving » (FSD) censé arriver dans le courant de cette année. Depuis octobre 2016, les acheteurs peuvent même souscrire l’option, facturée la bagatelle de 8 000 $ aux États-Unis (7 500 € en France). Pour l’instant, elle consiste essentiellement en une fonctionnalité de changement de file automatisé et un assistant au créneau. Mais le constructeur promet sur son configurateur que le système permettra à terme une « conduite automatisée en ville », pourtant le terrain de jeu réputé le plus difficile pour la voiture autonome.

Cette option est-elle une manière détournée pour Tesla de lever des fonds et transformer ses clients en investisseurs ? Lors de sa conférence portant sur les résultats de l’entreprise au troisième trimestre 2019, Musk s’était en tous cas montré assez évasif quant aux fonctionnalités réelles du fameux « Full Self Driving » : « L’auto [sera capable de vous conduire de votre domicile à votre travail, très probablement sans intervention. [… Mais elle sera toujours supervisée. » Supervisée par qui ? Un opérateur à distance chez Tesla (ce qui suppose une infrastructure très coûteuse), ou le conducteur lui-même ? Mystère ! Si la supervision humaine à distance apparaît incontournable à terme pour le véhicule autonome (après tout, c’est déjà le cas pour les lignes de métro automatisées), si la supervision incombe au conducteur lui-même, on ne peut parler d’autonomie.

Elon Musk n’est pas le seul à faire de grandes promesses en matière d’autonomie. L’ancien patron de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, Carlos Ghosn, avait l’habitude d’employer ce terme pour désigner le système de conduite semi-autonome Nissan ProPilot, que l’on trouve aujourd’hui sur la Leaf. Un système qui, comme chez les autres marques, se contente pourtant de centrer le véhicule dans sa voie dans des situations simples (voies rapides, autoroutes), et sous le contrôle strict du conducteur.

Résultat, on ne compte plus les manchettes dans la presse, souvent non spécialisée, qui parle de « voiture autonome » pour désigner une Tesla ou un modèle équipé d’aides à la conduite de niveau SAE 2 (le plus élevé actuellement disponible sur le marché). Rappelons que la « vraie » autonomie n’est atteinte qu’aux niveaux 4 et 5…

Heureusement, les autorités de régulation et certains médias se sont réveillés. L’agence de presse AP a ainsi publié un tweet en mai dernier expliquant que « le terme de véhicules autonomes désigne des véhicules qui peuvent surveiller la route et leur environnement et conduire pour partie ou totalité d’un trajet sans supervision humaine. » Destinée à ses collaborateurs mais aussi aux rédactions clientes, cette définition se rapproche de celle de la SAE.

La justice aussi commence à s’en mêler. Des magistrats basés à Munich, en Allemagne, saisis par un lobby d’industriels (comptant notamment des constructeurs automobiles dans ses rangs), ont ainsi estimé que l’appellation « Autopilot » était trompeuse. Tesla continue pourtant de l’utiliser sur son configurateur Outre-Rhin. Les magistrats du Royaume-Uni semblent aussi vouloir s’intéresser à ce genre d’appellation volontairement floues.

Le marketing a toujours cherché à embellir la réalité afin de convaincre la clientèle de dépenser quelques euros de plus. C’est de bonne guerre, mais lorsque ces pratiques concernent des systèmes vitaux pour la sécurité des biens et des personnes, davantage de responsabilité serait bienvenue. Histoire de mettre un terme à l’autonowashing.

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