On pourrait appeler cela la théorie du ruissellement automobile : les nouvelles technologies, coûteuses, apparaissent d’abord sur des modèles haut de gamme. Puis, au fil du temps, elles se démocratisent et finissent par équiper la voiture de monsieur tout le monde. Et peu de voitures ont apporté autant à l’automobile au sens large que la Mercedes Classe S ! Zones à déformation programmée (W111/W112 dans les années 60), ABS (W116 en 1978), airbag (dès 1981 sur la W126), ESP et aide au freinage d’urgence (à partir de 1995-1996 sur la W140), régulateur de vitesse adaptatif (apparu sur la W220 en 1998), freinage d’urgence autonome (en 2006 sur la W221), conduite semi-autonome (W222 de 2013)… autant de nouvelles technologies qui sont désormais largement répandues, parfois même sur des citadines premier prix.
Fort de cette expérience, il est donc très tentant d’observer la toute nouvelle génération de Classe S (nom de code W223), dont les premiers exemplaires arriveront en concessions en fin d’année, à la manière d’une boule de cristal, afin d’y déceler les innovations qui se démocratiseront elles aussi. Mais nous ne sommes plus dans les années 90, et si Mercedes reste une marque à l’aura très forte, elle n’a plus le monopole de l’innovation. Depuis que Tesla, toute imprégnée de la culture Silicon Valley, a lancé la Model S en 2012, ce n’est plus la Classe S qui incarne la modernité absolue auprès du grand public, mais ces nouvelles voitures électriques aux lignes élancées et à l’habitacle résolument high-tech.
Le comble, c’est que même la hautaine Classe S cède aux modes lancées par Tesla. Elle suit ainsi la tendance des grands écrans (12,3 pouces pour l’instrumentation, jusqu’à 12,8 pouces pour l’écran d’info-divertissement qui trône fièrement sur la console centrale), et adopte elle aussi des poignées de portière rétractables. Plus significatif encore : la W223 permet des mises à jour « over the air » (par téléchargement) de 50 micrologiciels, dont ceux régissant les interfaces ou les assistances à la conduite. Une innovation Tesla qui tend à devenir la nouvelle norme.
Bien sûr, la nouvelle Classe S apporte également ses petites pierres à l’édifice des interfaces « new look ». Elle adopte par exemple en première mondiale une instrumentation à affichage 3D sans lunettes. Ce système suit du regard du conducteur de manière à lui afficher une image en relief réaliste. L’affichage tête haute élargi inclut des fonctionnalités de réalité augmentée sur sa surface d’affichage XXL, équivalente à un écran de 77 pouces.
Mercedes a également planché sur la sécurité passive, son cheval de bataille depuis les années 60. La Classe S W223 inaugure par exemple un airbag arrière de 70 litres destiné à protéger les occupants de la banquette en cas de choc frontal. Un tout aussi inédit airbag médian fait également son apparition : intégré au siège conducteur, il se déploie au centre en cas de collision latérale afin d’éviter que les occupants des places avant ne se blessent mutuellement. Mais le clou du spectacle, c’est le « Pre-Safe Impulse » : toujours en cas de collision latérale, ce système surélève automatiquement les suspensions de 8 centimètres. Ainsi, davantage d’énergie est transmise aux superstructures du plancher, mieux à même de l’absorber.
Et la conduite autonome dans tout ça ? De ce côté là, pour l’instant, rien de bien neuf. Mercedes nous promet bien une évolution du Drive Pilot vers l’autonomie de niveau 3, qui permettra théoriquement de quitter la route des yeux dans les embouteillages. Mais attention : « sur tronçons d’autoroutes allemands appropriés » uniquement, en fonction de l’évolution de la législation. Et le précédent d’Audi avec l’actuelle A8 incite à la prudence ! De toutes manières, cette fonction ne sera pas proposée avant le second semestre 2021. La Classe S pourra également bénéficier de l’Intelligent Park Pilot, soit un voiturier autonome de niveau 4 : il sera alors possible de déposer sa voiture à l’entrée de parking, et elle ira automatiquement se garer. À condition que le parking en question soit équipé des infrastructures nécessaires. Gageons que la généralisation de ce genre d’équipement n’est pas pour demain…
On pourrait continuer la liste, avec par exemple l’éclairage Digital Light, qui permet de projeter des informations sur la route la nuit, ou les roues arrière directrices qui peuvent braquer jusqu’à 10° en manœuvres (du jamais vu à ma connaissance). Ou encore épiloguer sur la démesure de certains équipements, comme la sono haut de gamme « 4D » Burmester à 31 haut-parleurs et huit « exciters » (des générateurs de vibrations intégrés aux sièges !), les 250 diodes LED qui illuminent l’habitacle, ou encore les 19 moteurs électriques contenus dans chaque siège avant.
En dehors de ce genre de surenchère à la technologie, la nouvelle Classe S n’est pas aussi révolutionnaire ou innovante que ses glorieuses devancières. Et ses véritables nouveautés techniques, dont le coût sera souvent difficile à abaisser, n’ont que peu de chance de se diffuser largement. Même du côté motorisations, la Classe S n’innove guère : elle propose en effet les sempiternels 6-cylindres diesel et essence, ces derniers se contentant d’une hybridation en 48 volts. Pour des versions hybrides rechargeables, il faudra attendre 2021. Quant à la variante totalement électrique, elle s’appellera EQS et n’est pas prévue avant 2022. Il faut se rendre à l’évidence : la Classe S n’est plus ni une boussole… ni une boule de cristal.