À l’assaut des sommets
Les constructeurs automobiles sont placés dans une situation paradoxale. D’un côté, les Autorités européennes les enjoignent à réduire les émissions de CO2 de leurs véhicules et à développer des modèles 100 % électriques. De l’autre, la clientèle semble encore très frileuse à franchir le pas de la voiture à batterie : la part de marché des véhicules électriques ne dépasse pas les 2 % en Europe… Et pourtant, malgré les incertitudes qui pèsent sur le décollage de la demande pour les VE, les constructeurs s’infligent des investissements massifs dans l’électrification. Chez Daimler, on a ainsi prévu de dépenser la bagatelle de 10 milliards d’euros pour, notamment, développer une toute nouvelle plateforme dédiée aux véhicules électriques, qui sera utilisée à terme pour 10 modèles.
Du neuf avec du vieux
L’EQC ne fait pas partie de ces 10 modèles. Il repose en effet sur la même plateforme que le SUV GLC ce qui, on va le voir, n’est pas sans obliger à quelques compromis. Mais, industriellement, le choix d’utiliser une plateforme de véhicule thermique fait sens en attendant le décollage du marché du véhicule électrique : en effet, cela permet de fabriquer l’EQC sur les mêmes chaînes que le GLC, dans l’usine de Brême, ce qui offrira la possibilité d’ajuster facilement les volumes de production à la demande. En revanche, la coque n’ayant pas été pensée dès le départ pour accueillir une batterie, celle-ci ne fait pas partie intégrante de la structure, ce qui l’oblige à embarquer sa propre coque de protection. Un « sarcophage » scellé qui représente à lui seul la moitié des 652 kg que pèse cet accumulateur ! Ajoutez-y le fait que l’EQC, comme le GLC, emploie l’acier et non l’aluminium comme matériau principal, et vous avez l’explication du poids coquet de la bête : 2 425 kg à vide, contre 2 133 kg pour un Jaguar I-Pace.
Habitabilité correcte… sans plus !
Autre inconvénient de la plateforme thermique : le moteur électrique avant, son électronique de puissance et le berceau renforcé destiné à conserver la rigidité lors des crash-tests occupent toute la place sous le capot. Inutile, donc, d’espérer y trouver un quelconque coffre, comme sur le Jaguar I-Pace ou le Tesla Model X. Architecture conventionnelle oblige également, les cotes d’habitabilité sont celles d’un modèle thermique comparable. En clair : des adultes s’installeront sans problème à l’arrière, mais ils ne seront guère impressionnés par l’espace disponible. De la même manière, le coffre de 500 dm³ est plus étroit que celui de l’Audi E-Tron (660 dm³). L’EQC reprend également pas mal d’éléments de mobilier issus du GLC, mais la partie haute de la planche de bord a été complètement redessinée. Elle adopte notamment deux grands écrans à cristaux liquides de 10,25 pouces, ainsi que des grilles d’aérateurs spécifique couleur or rose. L’ensemble ne manque pas d’allure, même si l’on pourra déplorer la qualité assez moyenne de certains plastiques.
Le monde du silence
Mercedes annonce une autonomie de 414 km sur le cycle WLTP, une valeur correcte mais pas exceptionnelle : si l’Audi E-Tron est à 411, le Jaguar I-Pace revendique 470 km, tandis que le Tesla Model X Grande Autonomie culmine à… 505 km ! Mais, sans doute pour prouver qu’avec le réseau de recharge rapide Ionity (dans lequel Daimler a des parts) il est possible de voyager sur de longues distances sans encombre, Mercedes nous a invités à faire un road-trip entre Milan et Zurich, en passant par quelques cols alpins (Furka, Grimsel, Susten) histoire de corser la difficulté. Au total, un peu moins de 400 km à parcourir, mais avec un fort dénivelé. La première partie du trajet, qui emprunte les autostrades italiennes, n’est pas la plus passionnante. Mais elle permet d’apprécier l’insonorisation particulièrement poussée de l’EQC : les bruits aérodynamiques et surtout de roulement sont totalement inexistants. Les monotones autoroutes donnent également l’occasion de valider les progrès effectués par le système de conduite semi-autonome (dans un pack à 1 550 €), qui fait sans doute partie des meilleurs du genre.
Lourd, mais vif
Une fois la frontière suisse traversée, nous préférons faire halte sur une aire d’autoroute près du lac Majeur, où se trouvent quatre bornes Ionity, qui peuvent en théorie délivrer jusqu’à 350 kW de puissance. Le chargeur de l’EQC n’accepte que 110 kW au maximum, mais il est encore capable d’avaler 77 kW lorsque la batterie est à 70 % de charge, et 35 kW à 95 %, signe que la gestion thermique de cette dernière est efficace. Une fois le « plein » fait (40 minutes suffisent pour passer de 10 à 80 % de charge), nous repartons. L’idée n’est alors pas de rechercher forcément la consommation la plus basse, mais de rouler normalement, en s’autorisant quelques accélérations et en testant les qualités routières de l’EQC. Fort de 408 ch et pas moins de 760 Nm de couple, celui-ci affiche des performances plus que respectables : Mercedes annonce un 0 à 100 km/h en 5,1 s, chiffre qui paraît tout à fait crédible, même si les I-Pace et Model X Grande Autonomie font encore un peu mieux (4,8 et 4,6 s respectivement). À vrai dire, c’est surtout sur la capacité du châssis à maîtriser le poids pachydermique de l’engin que l’on avait des doutes ! Heureusement, les premiers kilomètres de montagne permettent de les dissiper très vite : l’EQC se montre en effet plutôt agile, avec un train avant incisif, une direction précise et un comportement bien équilibré. Il n’y a vraiment que dans les enchaînements les plus traîtres que l’inertie se fait sentir, la suspension peinant alors à contenir la masse. Il faut dire que Mercedes n’a implanté des ressorts pneumatiques qu’à l’arrière, de manière à réduire la taille du compresseur et donc… sa consommation d’électricité ! Rien de dramatique, l’EQC restant tout à fait sain.
Une sobriété surprenante
Le freinage est en revanche moins convaincant. Son efficacité n’est pas en cause (il est généreusement dimensionné, avec quatre disques ventilés de 360 mm de diamètre), mais pour le caractère inconsistant des sensations, qui varient d’un virage à l’autre. Tantôt la pédale devient très dure, tantôt sa course s’allonge exagérément. Peu rassurant ! On préférera donc utiliser les très pratiques palettes au volant qui permettent de doser la récupération d’énergie selon quatre niveaux, allant de la roue libre (pas de frein moteur) jusqu’à l’équivalent d’un freinage assez appuyé. En jonglant avec ces différents modes, on parvient à gérer l’énergie cinétique du véhicule de façon intelligente, en limitant les phases de récupération, forcément synonymes de pertes en ligne. Le résultat ? Après 379 km avalés à une moyenne de 61 km/h, l’ordinateur de bord annonçait 24,6 kW/100 km, soit l’équivalent de 325 km d’autonomie, la batterie affichant une capacité de 80 kWh. Un résultat plus qu’honnête, sachant, encore une fois, que nous n’avons pas adopté une conduite spécialement économique.