Un trône pour l’e-tron ?
Que ça soit écologique ou non, la marche forcée vers l’électrique se poursuit chez tous les constructeurs ou presque. Audi n’est pas à l’avant-garde du mouvement, donc doit étendre sa gamme zéro émission e-tron. Dernier ajout : après un SUV, c’est la berline GT Quattro. Celle-ci, logique de groupe oblige, emprunte beaucoup à la Porsche Taycan : plate-forme, batteries, moteurs, trains roulants et roues arrière directrices. Le tout est accommodé à la sauce Ingolstadt, en termes de design et de mise au point. En clair, l’e-tron GT dispose de deux propulseurs synchrones, un par train roulant, ce qui en fait une traction intégrale. Dans le plancher prennent place les packs de batteries lithium-ion, scindés en deux derrière les sièges avant pour dégager de la place aux pieds des passagers arrière.
Puissance record pour une Audi de route
Deux versions de l’e-tron GT sont proposées, la standard et la RS : c’est celle-ci que nous testons. Sportive, elle distingue d’abord par une puissance nettement supérieure : 598 ch contre 476 ch, cavalerie qui peut pointer à 646 ch pendant 2,5 s en cas de forte sollicitation grâce à la fonction overboost. Un record pour une Audi de route, qui la place un peu au-dessus de la Taycan Turbo (625 ch). Pour sa part, le coupe s’établit à 830 Nm, une valeur, là encore, très élevée. Pas de trop, car le poids atteint 2 347 kg : monstrueux ! Quelque 600 kg sont à mettre au compte des batteries, à la capacité nette très estimable de 84 kWh. Sur la RS, elles autorisent une autonomie moyenne de 472 km, ce qui est dans la norme, sans plus. Pour les recharger de 0 à 80 %, comptez un minimum de 22 min 30 s sur une chargeur rapide (l’Audi peut encaisser jusqu’à 270 kW en courant continu et 22 kW en alternatif, grâce à son système de 800 v). Cela correspond à 100 km en 5 min, si tout va bien, sur le réseau Ionity auquel l’Audi a accès. Sur une prise domestique, il faut plus de 30 h. La RS se distingue aussi par sa suspension pneumatique pilotée à trois chambres, son différentiel arrière à glissement limité géré par électronique ainsi que ses freins majorés. D’un diamètre de 420 mm à l’avant, les disques se composent de carbure de tungstène, pour une meilleure endurance, et sont pincés par des étriers à dix pistons. Tout de même ! Il faut dire que la lourde RS e-tron GT accélère très fort, atteignant les 100 km/h en 3,3 s. En étant taquin, on mentionnera que la Tesla Model S Plaid, attendue pour début 2021, ne réclame que 2,1 s pour et profite d’une autonomie annoncée à 628 km, le tout pour 20 000 € de moins que l’Audi…
Branchée et clinquante
L’Audi RS e-tron GT profite tout de même d’un centre de gravité plus bas que sur la R8, et de masses bien centrées, aussi est-il temps de la tester sur les routes sinueuses de l’Aveyron. De l’extérieur, la carrosserie, dessinée sous l’égide de Marc Lichte, ne rappelle en rien celle de la Taycan. Comme cette dernière, elle est très travaillée par son aérodynamique, lissant les flux d’air circulant sur ses flancs pour abaisser les turbulences et le Cx, qui ne dépasse pas 0,24. Belle valeur, même si la Taycan Turbo S descend à 0,22. Plus agressive que celle de la Porsche, elle se complète d’un cockpit du même acabit. Le tableau de bord, aux formes complexes, demeure agréable à l’œil, mais la qualité de ses plastiques reste en-deçà de celle de la Porsche, surtout dans sa partie basse. Audi, qui réalisait les plus belles planches de bord qui soient, a perdu de sa superbe en la matière, dommage. De plus, les aides à la conduite avancées restent en option, ainsi que la caméra de recul, notamment.
De série, on trouve tout de même le GPS, la clim auto trizone et les sièges électriques. Devant soi, on a un combiné digital aux multiples affichages, gadget de 12,3 pouces qui ne me convainc toujours pas. Il en va de même pour la tablette centrale, bien faite certes, mais qui détourne l’attention de la route. On note que certaines commandes demeurent analogiques, telles celles du régulateur de vitesse, de la clim et les touches sur le volant. Tant mieux ! L’habitabilité, réduite vu l’encombrement, suffit pour quatre personnes, tandis que la banquette rabattable ajoute à la praticité générale. Impeccablement installé au volant, on apprécie le silence et la parfaite docilité de l’engin en ville. Sur route, on apprécie la suspension confortable, engendrant un peu de tangage en mode Comfort.
Poids lourd mais agilité de ballerine
Difficile de résister à la tentation cela dit : je passe en Dynamic, j’écrase l’accélérateur, et bam ! Je suis écrasé contre le dossier par une force invisible. La réserve de puissance semble inépuisable, et, hormis un petit sifflement rappelant celui du métro, on n’entend rien. Voilà une expérience toujours saisissante. De son côté, le châssis encaisse parfaitement cette débauche de watts : grip, équilibre et précision sont au rendez-vous. Sans oublier la motricité, parfaite, et les quatre roues directrices, qui confèrent à l’Audi une agilité surnaturelle dans les virolos (ainsi qu’un rayon de braquage très court). On arrive fort sur les freins, on tourne, en ressentant la force centrifuge dans le cou, et on se catapulte en sortie de virage. Une ligne droite ? Où ça ? A la limite, l’e-tron va très progressivement sous-virer, mais guère plus : sacrée efficacité. On aimerait juste que la direction, simplement configurable en trois lois correspondant aux modes de conduite, soit plus consistante, tout comme la pédale de frein. Celle-ci agit sur un système remarquable par sa puissance et son endurance, du moins sur route.
On peut aussi l’aider par un freinage régénératif, réglable via les palettes aux volant, qui peut ralentir jusqu’à 0,3 G. Quant à la consommation, elle ne s’envole pas. En usage courant et tranquille, elle s’établit à 22 kWh/100 km, par une température ambiante d’environ 20°C. Raisonnable, vraiment. En somme, si on veut remplacer sa R8 par un engin électrique capable d’accueillir des enfants, la RS e-tron GT a tout son intérêt, Audi comptant en vendre 300 par an France par an. Jouable, d’autant que Porsche a écoulé 600 Taycan l’an dernier chez nous.