Par Walid Bouarab, photos BMW
Il n’a pas encore de prix, et BMW réfléchit encore à une production en série. Mais pour tester le potentiel de sa technologie hydrogène, la marque munichoise lance sur les routes une flotte d’iX5, dotés d’une pile à combustible. Un modèle viable ?
Avenir incertain
Alors que la grande majorité de l’industrie automobile semble avoir tourné le dos à cette technologie, du moins pour les véhicules particuliers, BMW se lance à son tour dans l’hydrogène. La marque, qui n’en est pas à son coup d’essai (une Série 7 V12 alimentée à l’hydrogène liquide a été imaginée il y a 20 ans), rejoint donc Toyota (Mirai) et Hyundai (Nexo), qui sont les seuls sur le marché à proposer un modèle fonctionnant avec une pile à combustible. A la différence près que BMW n’a pas encore validé la commercialisation de ce nouveau iX5 Hydrogen. La marque a en effet préféré produire une flotte test d’une centaine de véhicules, qui seront utilisés sur plusieurs années, avant qu’une décision soit prise, durant la deuxième moitié de la décennie.
Quadrature du cercle
Il faut dire que, pour le moment, bon nombre de voyants sont au rouge : technologie couteuse, réseau de recharge quasi inexistant, hydrogène compliqué à produire et polluant dans la majorité des cas… Pas vraiment l’eldorado. Les enjeux sont donc immenses. Réussir à produire de l’hydrogène plus propre à partir d’énergies renouvelables (hydrogène vert), démocratiser une technologie complexe et coûteuse, développer les stations de recharge, tout cela est nécessaire pour imaginer un quelconque avenir pour les particuliers. Car pour le reste, cet iX5 semble clairement prêt à prendre la route.
BMW qualifie encore ses modèles de prototypes, mais le niveau d’aboutissement montre une réelle maitrise. Ici, la pile à combustible, dont les cellules proviennent de la Toyota Mirai, transforme les 6 kg d’hydrogène contenu dans les deux réservoirs en électricité. Pour alimenter l’unique moteur électrique logé sur l’essieu arrière capable de fournir 401 ch, elle reçoit l’aide d’une petite batterie lithium-ion placée sous le plancher du coffre. Une « pile » supplémentaire qui ne nécessite pas de recharge en se contentant de phases de freinages, comme un hybride classique, pour refaire le plein.
Transparence
Le résultat, c’est un fonctionnement entièrement transparent. Pour le consommateur, cela revient exactement à conduire une voiture 100 % électrique, jusqu’au réglage du freinage régénératif. Silence, douceur de fonctionnement et performances vraiment solides sont de la partie. BMW annonce environ 6 secondes pour atteindre les 100 km/h, et offre à ce X5 un peu particulier des prestations routières qui font honneur au label. Le confort est de la partie, et le dynamisme est comparable à celui d’une version xDrive45e. Sur le papier, et en pratique, ce BMW iX5 Hydrogen est donc bien né. L’intégration de la technologie à hydrogène rogne cependant de l’espace. Les réservoirs d’H2 rendent impossible l’intégration d’une transmission intégrale et le coffre affiche un volume moindre à cause de la batterie. Un mal qui touche, de toute façon, quasiment toutes les versions électrifiées des véhicules présents sur le marché.
Des kilos en bars
Les véhicules à hydrogène sont homologués sur le même cycle WLTP que les voitures thermiques, hybrides et électriques. La seule différence, c’est que la consommation est ici annoncée en kg/100km. Avec un appétit établi à 1,19 kg, cet iX5 promet une autonomie de 504 km. Une valeur toujours optimiste, notre modèle n’ayant jamais affiché plus de 400 km en réel. Là-encore, rien de nouveau sous le soleil, mais le frère iX promet jusqu’à 630 km. Mais plus que l’autonomie, la promesse de l’hydrogène reste celle d’une recharge quasiment aussi rapide qu’un plein de carburant. Dans les stations prédisposées, le H2 est compressé jusqu’à 700 bars. Un taux qu’accepte également cet iX5. Lors de notre essai, nous avons effectivement pu faire le test, regagnant ainsi l’autonomie complète en seulement quelques minutes. Reste un tarif encore prohibitif. En moyenne, le kilo est encore facturé une dizaine d’euros. Un plein revient donc à environ 60 euros pour une autonomie inférieure à 500 km. Le diesel conserve donc encore de sacrés avantages.
Voilà qui pose la question de la pertinence de cet iX5 Hydrogen, qui adopte par ailleurs toutes les qualités familiales du modèle (habitacle spacieux et confortable, finition d’excellent niveau, insonorisation réussie, équipement à la page…). D’autant plus que le prix, sur lequel BMW ne s’avance pas pour le moment, peut facilement être estimé à plus de 150 000 €. L’inexistence du réseau de recharge n’en fait pas, par ailleurs, une meilleure alternative au iX, qui réclame certes plus de temps à la station. Finalement, la question sur les qualités intrinsèques du modèle ne se posent plus vraiment. Oui, cet iX5 est viable. Mais quand bien même il entre au catalogue « béhème », il restera aussi confidentiel que les Nexo et Mirai. A moins d’un retournement drastique de l’industrie toute entière.